Sous-mariniers La Créole

Sous-mariniers La Créole

La Créole rend hommage à La Minerve

En ce samedi 27 janvier 2018 nous sommes partis de très bonne heure des quatre coins de l’Occitanie Sud direction Toulon. La route est pesante, il fait nuit et il pleut. On discute, on papote dans la voiture mais le cœur est gros. On ne laisse rien paraître mais chacun sait ce qu’il en est de l’autre. Bientôt des éclairs zèbrent le ciel. Du jour naissant on ne verra rien. Les nuages noirs sont là pour nous rappeler s’il en était besoin pourquoi nous somme sur cette route. Triste chemin. Plus on approche de Toulon plus l’orage se fait fort et violent. Triste chemin. Bientôt et presqu’arrivé c’est le déluge. Neuf degrés à l’extérieur et une pluie torrentielle nous accompagnent. Triste chemin. Nous avalons les kilomètres à vitesse réduite jusqu’aux faubourg de Toulon, nous serons à l’heure mais triste chemin. Puis à notre arrivée, les nuages changent de teinte et s’éclaircissent. La pluie se fait plus douce jusqu’à disparaître. Il reste juste quelques larmes qui tombent des cieux.

 

Un grand nombre de camarades et de familles sont déjà présent. Dos à la rade le monument des sous-mariniers semble veiller affectueusement sur nous. Les voitures et les cars déversent leurs lots de cheveux gris qui sont venus des quatre coins de la France. Puis des pompons rouges apparaissent marchant au pas, l’arme en bandoulière. Une délégation porte en légende du bachis « sous-marin », l’autre « préparation militaire marine ». Les jeunes sous-mariniers sont nombreux et les jeunes gens et jeunes femmes de la PMM nous rappellent que beaucoup d’entre nous ont embarqué à bord des bateaux noirs avant d’avoir dix-huit ans. Ils sont l’avenir et en ce jour c’est important. Les porte-drapeaux sont appelés, la garde d’honneur se met en place. On nous demande de reculer. Nous sommes si nombreux que nous avions, sans nous en rendre compte, pris toute la place. Notre installation se fait calmement, personne ne songe ici à jouer des coudes ou à rechigner à la manœuvre.

 

Garde à vous ! Présentez arme ; clairon, la cérémonie d’hommage à nos 52 camarades du sous-marin Minerve disparu en mer le 26 janvier 1968 commence. L’ambiance est pesante, certains ont la larme à l’œil quand d’autres déjà pleurent. Beaucoup d’entre nous avaient des amis à bord de la Minerve. Beaucoup d’entre nous ont appareillé à l’ordre « PROBSUBMISS » pour une semaine de recherche à jamais gravée dans les mémoires. D’autres malgré cette tragédie se sont engagé quelques temps plus tard aux sous-marins. On ne parlait pas alors de force sous-marine. Ces héritiers de la Minerve savaient que la disparition de leurs aînés n’était pas vaine et que les bateaux noirs en ressortaient plus fort… la division d’acier.

 

Vient le temps des discours. Le Président de l’AGASM, le chef d’état-major de la marine (représenté) et le fils du pacha de la Minerve. Tous ont su trouver les mots justes, les bonnes phrases et rendre un bel hommage à ceux de la Minerve. Comment vivre une tragédie inexpliquée, comment survivre après un tel drame alors que l’on est épouse, enfant, parent, ami, voir rescapé. Le fils du pacha nous l’a évoqué avec une émotion certaine et des mots simples mais tellement poignants. Nous avons vécu là un moment bouleversant.

La cérémonie se poursuit. Au morts… les drapeaux se baissent, le clairon résonne et le silence. La Marseillaise, musique… puis les voix timides… puis les cœurs qui se libèrent en un chant plein et rond sans fausse note sans ton criard, hommage à ceux de la Minerve. Vient le dépôt des gerbes et des gerbes il y en a et l’on sait alors qu’aux quatre coins de la France de telles cérémonies ont lieu, hommage à ceux de la Minerve. Le temps est venu de citer un à un les noms des membres de l’équipage, hommage à ceux de la Minerve. L’ordre est alphabétique, nul grade, nulle distinction. Ensemble ils sont partis pour leur dernière plongée, leur patrouille éternelle, hommage à ceux de la Minerve.

 

Il nous faut reprendre nos moyens de locomotion pour nous rendre à l’église St Louis. Pour ceux qui s’en souviennent, il est curieux que l’église St Louis et la Cathédrale Sainte-Marie-de-la-Seds formaient la délimitation Ouest-Est de « Chicago ». Mais bast ! Nous pénétrons dans l’église sous une haie de drapeaux. Malgré sa taille imposante le lieu s’avère très rapidement trop petit tant il y a de monde. Jamais on a entendu des chœurs si beaux. Accompagnés par la musique des équipages de la flotte, à les écouter ce furent des moments bouleversants.

Alors, camarades de la Minerve qui vous en êtes allé pour votre patrouille éternelle, sachez que l’on vous doit beaucoup et que votre sacrifice n’a pas été vain. On ne vous oubliera jamais, notre respect et notre amitié vous accompagnent.


Un grand merci à Sophie pour les photos ! (ainsi que celles de l'album)

 



28/01/2018
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